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avait dû tenir et tenait encore une grande place dans votre vie… Non, auparavant, je n’y avais pas pris garde ! J’étais si complètement fou ! Vous étiez si belle, si inattendue de moi, que je pouvais supposer que vous me tombiez du ciel, par le fait d’une faveur extraordinaire, inexplicable…

— Oh ! dit-elle, c’est étrange ; c’est à ce moment-là que vous y avez pensé ?

— Ce n’est pas étrange, c’est un mot de vous qui provoqua alors chez moi cette idée.

— Et ce mot, quel était-il ?

— Pourquoi vous le rappeler ?

— Peu importe ! dites ! dites !…

— …Vous fîtes la remarque obligeante pour moi, que, jusqu’alors, vous n’aviez jamais pu contempler un paysage sans être interrompue par quelqu’un…

— Et vous avez supposé !… s’écria-t-elle vivement ; non ! non ! je vous affirme que ce n’était pas cela… D’ailleurs maintenant que vous le connaissez, vous devez comprendre s’il a jamais été capable de m’interrompre, surtout de placer une réflexion de mauvais aloi ; vous savez combien tout ce qu’il dit est juste, est sobre, et vient à propos. Oh ! je serais désolée que vous pussiez croire…

— Si je le croyais encore, je ne vous aurais pas fait allusion à cela. Je vous cite la réflexion que vous me fîtes sur cette terrasse, tout simplement parce qu’elle fut pour moi le point de départ de toute une série d’interrogations, de curiosités, vous comprenez ? au sujet de l’homme qui ne pouvait manquer d’avoir une part de vos pensées, chaque jour, presque à chaque heure.

— Et dire que toute votre opinion sur lui a pu être échafaudée sur ce mot ! Vous avez cru que j’étais la femme d’un imbécile, dites !

— Mais je ne dis pas cela !…