Page:Boylesve - Le Parfum des îles Borromées, 1902.djvu/221

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

— Non ; mais par un petit brin d’héroïsme…

— Il n’y a pas d’héroïsme à faire ce que l’on désire, ce qui vous plaît, ce que l’on veut, enfin !…

— Ah ! si ce que vous désirez est aussi ce que vous voulez !…

— Ce n’est donc pas comme ça pour vous ? Moi, je ne fais pas de différence.

— Mais, ma chérie, notre volonté, c’est la raison qui la gouverne, tandis que nos désirs sont commandés par une multitude d’instincts confus, quelquefois barbares et qui sont très souvent en contradiction absolue avec ce que notre intelligence déclare raisonnable.

— Oh ! vous, messieurs, vous êtes très forts pour vous séparer comme cela, en deux ou trois morceaux ; une de vos pièces fait ceci pendant que l’autre fait cela et qu’une troisième les regarde faire ! C’est très joli. Moi, je me sens beaucoup plus simple et je sais très bien, par exemple, que je veux quelquefois, ah ! mais, que je veux de toutes mes forces ce qui est déraisonnable… S’il m’arrive après de n’être pas contente, ça me regarde ! C’est peut-être pour cela que j’éprouve plus de plaisir que vous, à faire ce que je fais… Dame ! je ne suis pas là à regarder en arrière, pour voir si je m’applaudis ou non ! Gros bête ! dit-elle en l’embrassant, mon Dieu que vous êtes donc bête !… Mais embrasse-moi donc !

Voilà. Telle était sa conclusion. Tout devait aboutir à ce résultat. Il fallait qu’il fût heureux de l’avoir là, entre ses bras, il fallait profiter du moment, ne pas être troublé par l’état d’esprit qui avait pu être le sien l’heure précédente ou qui serait le sien l’heure d’après. Il fallait ne pas s’inquiéter non seulement de ce qui avait pu ou pourrait être son plaisir, mais la laisser pareillement se débattre avec les désagréments dont lui-même pouvait être la cause.