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les avirons comme s’ils les tendaient à quelqu’un qui fût tombé à l’eau.

— Ah ! mon Dieu !

— Non ! non ! mademoiselle, rassurez-vous ! dit-il aussitôt en s’apercevant que Solweg pâlissait, et qu’il était bien inutile d’informer cette jeune fille de l’accident dont il était témoin.

— Est-ce que ce n’est rien ? Oh ! dites ! dites ! n’est-ce pas, monsieur ?

— Non, non, mademoiselle, je me suis trompé ; les hommes ont repris les avirons et manœuvrent comme à l’ordinaire : ils se dépêchent de rentrer… Est-ce que vous avez quelqu’un des vôtres de ce côté-là ?

— Non ! non ! dit-elle vivement, mais… c’est… la petite Luisa qui ne sait pas que sa maman est allée à Cadenabbia, et elle sera étonnée si Monsieur et Madame Belvidera ne peuvent rentrer pour le dîner, ce qui est à craindre…

— En effet, car le bateau à vapeur profite aisément de ces occasions-là pour ne pas partir de Côme, et, en barque…

— Oh ! monsieur ! en barque, il n’y faut pas songer ! il paraît que c’est le passage le plus mauvais du lac, quand il y a tempête ; c’est l’endroit le plus étroit… ils feront mieux de rester là-bas.

— Il faudrait dire à la petite Luisa que sa maman vous a prévenue qu’elle ne rentrerait pas…

— Vraiment ! alors, vous croyez bien qu’elle ne rentrera pas ?

La pauvre Solweg, qui venait de témoigner elle-même cette crainte, s’effrayait des paroles qui ne faisaient que la confirmer. Elle n’avait exprimé cette pensée que dans l’espoir de la voir dissipée par la raison plus expérimentée d’un homme.