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pas ? dans le cas où je lui en eusse « fourni l’occasion ». Eh bien ! comme elle les détient toujours en prévision d’une alerte imprévue, elle trouvera bien le moyen de ne pas me les restituer… sans que la violation de la convention, de ma part, lui en donne le droit… De la sorte, elle sera en possession de la caution… sans s’être démunie de l’objet cautionné !…

— Ha ! ha ! ha ! bravo, Carlotta ! Mais, dites donc, c’est une fille très entendue !

— Non ! dit Lee, je vous assure qu’elle ne calcule point. Elle obéit seulement au plaisir qu’elle éprouve à se sentir dans la main de l’or qui est à elle. Encore ne le conserve-t-elle pas. Elle fait des dépenses inconsidérées. C’est une petite folle. Elle préfère un louis d’or plutôt que quarante francs en papier italien. Elle s’enferme dans sa chambre et joue toute seule avec ses louis ; son désespoir est d’être obligée de les changer contre du papier pour aller dans les magasins. Je lui ai dit qu’en Angleterre elle pourrait payer avec de l’or, le faire tinter sur les comptoirs. Elle m’a demandé si l’on pouvait devenir Anglaise. « Oui, lui dis-je : épousez-moi. » — « Non, dit-elle, je suis promise à Paolo ».

— Brave fille !

— Ainsi donc, en flattant sa manie, je l’ai persuadée que toutes les fois qu’elle est chez moi, elle ne doit pas me voir, elle doit se considérer comme étant chez elle, toute seule, n’ayant absolument rien à faire et gagnant tout de même beaucoup d’argent. Elle ne voit ni moi, ni aucune personne se trouvant avec moi, sans quoi notre traité est rompu. Je lui ai affirmé que je ne la voyais pas moi non plus, que je voulais seulement qu’elle fût là. Elle le croit presque et vient s’affermir de temps en temps dans cette opinion en regardant mes dessins où, effectivement, elle