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çà et là, au-dessus de leurs têtes. Des vignes-vierges parasites enlaçaient avec des airs de paresse élégante le tronc des arbres, et, d’en haut, semblaient laisser pendre avec affectation leurs lianes de pourpre.

Pas un être humain, pas un bruit, sinon celui des oiseaux que leur passage effarouchait.

— Oh ! oh ! fit elle tout à coup, voilà le palais rose !

Et ce furent des exclamations sans fin, à mesure qu’ils approchaient de ce grand bâtiment, dont le dos uni et tendrement coloré communique tant d’agrément, de loin, à la grasse silhouette d’Isola Madre. Rien n’est plus joli que la façade qui donne sur les jardins intérieurs. L’entrée se trouve sous un portique surmonté d’une loggia ouverte où les pampres, les lierres et les églantiers serpentent en liberté au long des balustrades. De grosses touffes de fleurs emmêlées et lourdes se laissent tomber de l’appui des fenêtres et de la rampe de la loggia ; et si ce lieu était habité par des fées, on croirait volontiers, à l’heure indécise du crépuscule, que ce sont les bras nonchalants de ces belles personnes endormies.

Les portes étaient closes, au moment de leur arrivée : c’était une paix, un silence complets. On osait à peine marcher ; on retenait son souffle. Les plantes innombrables commençaient d’exhaler leurs baumes dans l’air amolli du soir.

— Venez !

Il la prit par le bras et la mena jusqu’à une fenêtre entr’ouverte du rez-de-chaussée. Elle se haussa sur la pointe des pieds, et regarda :

— Oh ! oh ! dit-elle, ça, c’est trop joli !

C’était une chambre ancienne, avec un mobilier rustique du siècle passé. On y avait vue d’un côté sur le lac, de l’autre sur les jardins tropicaux de l’île. Une quantité de fleurs fraîchement coupées, étalées