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seras pas là, maman ? comme ça il n’y aurait pas moyen de te prévenir ? Il n’y a pas de télégraphe où tu vas ?

— Voyez-vous, la petite coquine, dit madame Belvidera ; elle veut savoir où je vais !… Mesdames, avez-vous vu une petite curieuse comparable à cette demoiselle ?

— Mais c’est très délicat, c’est très gentil de sa part, dit Solweg. Il ne faut pas lui en tenir rigueur !…

— Tu sais bien, Luisa, que je vais voir Madame X… qui est en ce moment à Pallanza.

— Maman, tu ne me l’avais pas dit !

— Mademoiselle ma fille, je vous en demande pardon ; dorénavant, je ne ferai rien sans vous prévenir !

Et après un silence, la petite reprenait avec une insistance très habile :

— Ça fait donc, maman, que s’il m’arrivait malheur, chez mad…

— Ah ! ça ! mais tu es assommante avec ton malheur ! En voilà des idées ! Quel malheur veux-tu qu’il t’arrive ? Et puis tout cela c’est de l’entêtement ! mademoiselle n’est pas contente parce que je ne l’emmène pas, voilà ! Tu sais bien que je ne veux pas que tu reviennes tard, en bateau…. Enfin, assez, n’est-ce pas ?

C’était la première fois que Gabriel la voyait parler un peu durement à Luisa. Il partageait toute la souffrance qu’elle en devait ressentir et l’aimait de faire cela à cause de lui. Mais il craignait la crise que cette contrainte pouvait amener et la réaction possible, l’abandon soudain du projet. Il fallait ruser avec une ténacité très dure contre l’extrême finesse de la fillette. La mère l’aimait à la folie, et il ne pouvait s’empêcher d’admirer et d’aimer cette enfant trop gra-