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mentaire à quoi nous devons le désir, le désir première fonction de la vie, et à défaut duquel nous prenons cet aspect de mort qui avait paru si effrayant, une minute, sur le visage de l’idéaliste ?

L’heure approchant, Gabriel vint se joindre au groupe dont faisait partie Mme Belvidera. Il voulait faciliter son départ, auquel toutes sortes d’obstacles pouvaient vraisemblablement s’opposer, et dont le moindre, à sa prévision, n’était pas celui de laisser sa petite fille.

Cette enfant méritait toute l’adoration dont elle était l’objet. Elle avait une intelligence précoce qui ne nuisait pas, ce qui est rare, à la grâce tout ingénue de ses manières. Elle était d’une tendresse excessive et ressemblait physiquement à sa mère, avec un penchant méditatif, une attitude réfléchie, qui donnait au velours sombre de ses yeux un dessous profond que sa mère n’avait pas.

— Alors tu seras sage, Luisa ; et que feras-tu si maman rentre tard ?

— Je penserai à toi.

— Mais non ! mais non ! il ne faut pas tout le temps penser à moi. Tu joueras, et tu iras te coucher.

— Je jouerai si tu veux, mais ça ne m’amusera pas.

— Pourquoi ?

— Parce que je n’aime pas quand tu n’es pas là !

— Voyez-vous ça !

— C’est comme ça.

— Luisa ! on ne parle pas ainsi à sa maman : on fait ce que l’on vous commande et on se tait.

— Je ferai, maman, tout ce que tu commanderas.

Et elle reprenait avec un petit air entendu et résigné un travail à l’aiguille dont elle s’acquittait à l’émerveillement de ces dames. Après un silence :

— Et s’il m’arrivait malheur pendant que tu ne