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ne tient pas ; il s’effritera de lui-même, il n’aura pas de durée ! Retournons à cette chère maison calme et heureuse ! Ah ! la jolie villa ! Quelle paix, le long des chaudes journées ! et quelles délices, le soir venu ! On entend ronfler le tramway électrique de Fiesole ; Andréa revient de la ville ; elle le guette de la terrasse ; elle l’aperçoit sur la plate-forme ; il agite son mouchoir ; sa tête aimée paraît au-dessus des murs garnis de roses ; le train monte et décrit une courbe en ronflant plus fort ; puis un arrêt, une grille ouverte et refermée : il est là ; il lui apporte quelque surprise amoureuse et la franchise de ses baisers. On dîne, et l’on va, côte à côte, sur la terrasse, entre les cyprès noirs et les églantiers, voir tomber le soleil au delà de la grande plaine de Florence. Et c’est la petite Luisa qui, de sa chambre, les appelle pour leur adresser des « bonsoirs » de ses deux petites mains appuyées sur sa bouche…

« Tu peux venir, Andréa, va, tu peux venir me chercher, prononce-t-elle à demi-voix, nous retournerons là-bas ensemble, et je me pencherai encore sur ton épaule… Est-ce que tu crois que j’ai cessé de t’aimer ?…

« Est-ce qu’il le croit ? » mais pourquoi dit-elle cela ? Mais non ! il ne le croit pas ; il dit seulement : « Je viens ! je viens, ma femme bien-aimée… »

Ah ! ça ! personne ne va donc l’interrompre ! C’est un fait exprès : il ne passe ce matin sous le hall, que des figures étrangères, des gens arrivés d’hier. Et elle pense, elle pense, la malheureuse femme !

Cela devient pour elle une idée fixe, de poser sa tête sur l’épaule de son mari. C’est la seule chose qu’elle désire au monde. Elle ferait sa tête lourde ; elle ne sourirait même pas ; elle garderait sa figure sérieuse, en fermant les yeux ; puis elle relèverait doucement les paupières : « A-t-il tourné la tête ? Me voit il ? Ne me