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que l’abbé n’entamât encore l’article des religions, que je voulais absolument entendre. Celui de la nature m’avait frappée : je voyais clairement que Dieu et la nature n’agissaient que par la volonté immédiate de Dieu. De là je tirai mes petites conséquences et je commençai peut-être à penser pour la première fois de ma vie.

Je tremblais en entrant dans l’appartement de Mme C… ; il me sembla qu’elle devait s’apercevoir de l’espèce de perfidie que je venais de lui faire et des diverses réflexions dont j’étais agitée. L’abbé T… me regardait attentivement : je me crus perdue ; mais bientôt je l’entendis qui disait à demi bas à Mme C… : « Voyez si Thérèse n’est pas jolie ! Elle a des couleurs charmantes ; ses yeux sont perçants, et sa physionomie devient tous les jours plus spirituelle. » Je ne sais ce que Mme C… lui répondit ; ils souriaient l’un et l’autre. Je fis semblant de n’avoir rien entendu, et j’eus grand soin de ne pas les quitter de toute la journée.

En rentrant le soir dans ma chambre, je formai mon plan pour le lendemain matin. La crainte où j’étais de ne pas m’éveiller d’assez bonne heure fut cause que je ne dormis point. Vers les cinq heures du matin, je vis Mme C… gagner le bosquet, où M. T… l’attendait déjà. Suivant ce que j’avais ouï la