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moyen de la nature. Quelle absurdité ! Est-ce du bâton qui me frappe dont je dois me plaindre ? N’est-ce pas de celui qui a dirigé le coup ? N’est-ce pas lui qui est l’auteur du mal que je ressens ?

« Pourquoi ne pas convenir, une bonne fois, que la nature est un être de raison, un mot vide de sens ; que tout est Dieu ; que le mal physique qui nuit aux uns sert au bonheur des autres ; que tout est bien ; qu’il n’y a rien de mal dans le monde eu égard à la Divinité ; que tout ce qui s’appelle bien ou mal moral n’est que relatif à l’intérêt des sociétés établies par les hommes, mais relatif à Dieu, par la volonté duquel nous agissons nécessairement d’après les premiers principes du mouvement qu’il a établi dans tout ce qui existe ? Un homme vole, il fait du bien par rapport à lui ; du mal, par son infraction à l’établissement de la société, mais rien par rapport à Dieu. Cependant je conviens que cet homme doit être puni, quoiqu’il ait agi nécessairement, quoique je sois convaincu qu’il n’a pas été libre de commettre ou de ne pas commettre son crime ; mais il doit l’être, parce que la punition d’un homme qui trouble l’ordre établi fait mécaniquement, par la voie des sens, des impressions sur l’âme, qui empêchent les méchants de risquer ce qui pourrait leur faire mériter la même punition, et que la peine que subit ce