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lité. J’aime une femme dont je suis aimé : son caractère sympathise avec le mien ; sa figure, sa jouissance font mon bonheur ; elle me quitte : ici, la douleur n’est plus l’effet d’un préjugé, elle est raisonnable. Je perds un bien effectif, un plaisir d’habitude, que je ne suis pas certain de pouvoir réparer avec tous ses agréments ; mais une infidélité passagère qui n’est que l’ouvrage du plaisir, du tempérament, quelquefois celui de la reconnaissance ou d’un cœur tendre et sensible à la peine ou au plaisir d’autrui, quel inconvénient en résulterait-il ? En vérité, quoi qu’on en dise, il faut être peu sensé que de s’inquiéter de ce qu’on nomme à juste titre un coup d’épée dans l’eau, d’une chose qui ne nous fait ni bien ni mal.

« — Oh ! je vous vois venir, dit Mme C… en interrompant l’abbé T… ; ceci m’annonce tout doucement que, par bon cœur, ou pour faire plaisir à Thérèse, vous seriez homme à lui donner une petite leçon de volupté, un petit clystère aimable qui, selon vous, ne me ferait ni bien ni mal. Va, mon cher abbé, continua-t-elle, j’y consens avec joie : je vous aime tous deux ; vous gagnerez l’un et l’autre par cette épreuve, à laquelle je ne perdrai rien. Pourquoi m’y opposerais-je ? Si je m’en inquiétais, tu conclurais avec raison que je n’aime que moi, que