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Nous étions alors dans les plus beaux jours de l’été ; Mme C… se levait ordinairement vers les cinq heures du matin pour aller se promener dans un petit bosquet au bout de son jardin. J’avais remarqué que l’abbé T… s’y rendait aussi lorsqu’il couchait à la campagne, qu’au bout d’une heure ou deux ils rentraient ensemble dans l’appartement où couchait Mme C… et qu’ensuite l’un et l’autre ne paraissaient dans la maison que vers les huit à neuf heures.

Je résolus de les prévenir dans le bosquet et de m’y cacher de manière à pouvoir les entendre. Comme je n’avais pas l’ombre du soupçon de leurs amours, je ne prévoyais point du tout ce que je perdais en ne les voyant pas. Je fus donc reconnaître le terrain et m’assurer une place commode à mon projet.

Le soir, en soupant, la conversation tomba sur les opérations et les productions de la nature. « Mais qu’est-ce donc que cette nature ? dit Mme C… Est-ce un être particulier ? Tout ne serait-il pas produit par Dieu ? Serait-elle une divinité subalterne ? — En vérité, vous n’êtes pas raisonnable de parler ainsi, répliqua vivement M. l’abbé T…, en lui faisant un clin d’œil. Je vous promets, dit-il, dans notre promenade, demain matin, de vous expliquer l’idée que