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M. l’abbé T… y venait régulièrement tous les jours et y couchait, lorsque ses devoirs le lui permettaient. L’un et l’autre m’accablaient de caresses ; on ne craignait plus de tenir devant moi des propos assez libres, de parler, en matière de morale, de religion, de sujets de métaphysique, dans un goût bien différent des principes que j’avais reçus. Je m’apercevais que Mme C… était contente de ma façon de penser et de raisonner, et qu’elle se faisait un plaisir de me conduire, de conséquence en conséquence, à des preuves claires et évidentes. Quelquefois seulement j’avais le chagrin de remarquer que l’abbé T… lui faisait signe de ne pas pousser ses raisonnements sur certaines matières. Cette découverte m’humilia ; je résolus de tout tenter pour être instruite de ce que l’on voulait me cacher. Je n’avais pas jusqu’alors formé le moindre soupçon sur la tendresse mutuelle qui les unissait. Bientôt je n’eus plus rien à désirer, comme vous allez l’entendre.

Vous verrez, mon cher comte, quelle est la source d’où j’ai puisé les principes de morale et de métaphysique que vous avez si bien cultivés et qui, en m’éclairant sur ce que nous sommes dans ce monde comme sur ce que nous avons à craindre de l’autre, assurent la tranquillité d’une vie dont vous faites tout le plaisir.