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à raisonner conséquemment. Plus de Père Dirrag pour moi, plus d’Éradice.

Que l’exemple et les préceptes sont de grands maîtres pour former le cœur et l’esprit ! S’il est vrai qu’ils ne nous donnent rien et que chacun ait en soi les germes de tout ce dont il est capable, il est certain du moins qu’ils servent à développer ces germes et à nous faire apercevoir les idées, les sentiments dont nous sommes susceptibles, et qui, sans l’exemple, sans les leçons, resteraient enfouis dans leurs entraves et dans leurs enveloppes.

Cependant, ma mère continuait son commerce en gros, qui réussissait mal ; on lui devait beaucoup, elle était à la veille d’essuyer une banqueroute de la part d’un négociant de Paris, capable de la ruiner. Après s’être consultée, elle se détermina à faire un voyage dans cette superbe ville. Cette tendre mère m’aimait trop pour me perdre de vue pendant un espace de temps qui pouvait être fort long ; il fut résolu que je l’accompagnerais. Hélas ! la pauvre femme ne prévoyait guère qu’elle y finirait ses tristes jours et que je retrouverais dans les bras de mon cher comte la source du bonheur des miens.

Il fut déterminé que nous partirions dans un mois, temps que j’allai passer avec Mme C…, à sa maison de campagne, éloignée d’une petite lieue de la ville.