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sachiez ce que c’est que Mme C… et M. l’abbé T…, je pense qu’il est temps de vous en donner une idée.

Madame C… est née demoiselle. Ses parents l’avaient contrainte d’épouser à quinze ans un vieil officier de marine qui en avait soixante. Celui-ci mourut cinq ans après son mariage et laissa Mme C… enceinte d’un garçon qui, en venant au monde, faillit faire perdre la vie à celle qui lui donnait le jour. Cet enfant mourut au bout de trois mois, et Mme C… se trouva, par cette mort, héritière d’un bien assez considérable. Veuve, jolie, maîtresse d’elle-même à l’âge de vingt ans, elle fut bientôt recherchée de tous les épouseurs de la province ; mais elle s’expliqua si positivement sur le dessein où elle était de ne jamais courir les risques dont elle était échappée comme miraculeusement, en mettant au monde son premier enfant, que même les plus empressés abandonnèrent la partie.

Mme C… avait beaucoup d’esprit ; elle était ferme dans ses sentiments, qu’elle n’adoptait qu’après les avoir mûrement examinés. Elle lisait beaucoup et aimait à s’entretenir sur les matières les plus abstraites. Sa conduite était sans reproches. Amie essentielle, elle rendait service dès qu’elle le pouvait. Ma mère en avait d’utiles expériences. Elle avait