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Pendant tout ce narré singulier, Mme C… eut la prudence de ne pas témoigner la moindre surprise : elle louait tout pour m’engager à tout dire. Lorsque je me trouvais embarrassée sur les termes qui me manquaient pour expliquer les idées de ce que j’avais vu, elle exigeait de moi des descriptions dont la lasciveté devait beaucoup la réjouir dans la bouche d’une fille de mon âge et aussi simple que je l’étais. Jamais peut-être tant d’infamies n’ont été dites et ouïes avec autant de gravité.

Dès que j’eus fini de parler, Mme C… parut plongée dans de sérieuses réflexions ; elle ne répondit que par monosyllabes à quelques questions que je lui posai. Revenue à elle-même, elle me dit que tout ce qu’elle venait d’entendre avait quelque chose de bien singulier, qui méritait beaucoup d’attention ; qu’en attendant qu’elle pût m’apprendre ce qu’elle en pensait et quel était le parti qu’il convenait que je prisse je devais d’abord songer à soulager la douleur que je ressentais, en bassinant avec du vin chaud les parties qui avaient été meurtries par le frottement de la colonne de mon lit. « Gardez-vous bien, me dit-elle, ma chère enfant, de rien dire à votre mère, ni à qui que ce puisse être, et encore moins au Père Dirrag, de ce que vous venez de me confier. Il y a dans tout ceci du bien et du mal. Rendez-vous