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mates et comment je me trouvais de la direction du Père Dirrag. « Je ne puis vous cacher, ajouta-t-elle, que je suis si étonnée de ce genre de miracle que je désire ardemment de voir par moi-même s’il existe en effet : allons, ma chère petite, dit-elle, ne me cachez rien ; expliquez-moi de quelle manière et quand ces plaies ont paru ; vous devez être assurée que je n’abuserai pas de votre confiance, et je pense que vous me connaissez assez pour n’en pas douter. »

Si les femmes sont curieuses, les femmes aiment aussi à parler : j’avais un peu ce dernier défaut ; d’ailleurs, quelques verres de vin de Champagne m’avaient échauffé la tête : je souffrais beaucoup ; il n’en fallait pas tant pour me déterminer à tout dire. Je répondis d’abord tout naturellement à Mme C… que je n’avais pas le bonheur d’être du nombre de ces élues du Seigneur, mais que ce même matin j’avais vu les stigmates de Mlle Éradice, et que le très révérend Père Dirrag les avait visités en ma présence. Nouvelles questions empressées de la part de Mme C…, qui, de fil en aiguille, de circonstances en circonstances, m’engagea insensiblement à lui rendre compte, non seulement de ce que j’avais vu chez Éradice, mais encore de ce qui m’était arrivé dans ma chambre, et des douleurs qui en résultaient.