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Ma mère fut enchantée : les maximes du Père Dirrag n’étaient point du tout de son goût ; elle se flatta que les conseils de Mme C… changeraient mes dispositions pour le quiétisme dont on le soupçonnait ; peut-être même agissaient-elles de concert. Quoi qu’il en soit, elles réussirent bientôt au delà de leurs espérances.

Nous sortîmes donc, Mme C… et moi. Mais je n’eus pas fait cent pas que la douleur que je ressentais devint si vive que j’avais peine à me soutenir. Je faisais des contorsions horribles. Mme C… s’en aperçut. « Qu’avez-vous, me dit-elle, ma chère Thérèse ? Il semble que vous vous trouviez mal. » J’eus beau dire que ce n’était rien, les femmes sont naturellement curieuses : elle me fit mille questions qui me jetèrent dans un embarras qui ne lui échappa point. « Seriez-vous, me dit-elle, du nombre de nos fameuses stigmatisées ? Vos pieds ont peine à vous porter, et vous êtes toute décontenancée. Venez, mon enfant, dans mon jardin, où vous pourrez vous tranquilliser. » Nous en étions peu éloignées. Dès que nous y fûmes rendues, nous nous assîmes dans un petit cabinet charmant qui est sur le bord de la mer.

Après quelques discours vagues, Mme C… me demanda de nouveau si effectivement j’avais des stig-