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de tous vos efforts à l’engager de nous conserver. » Je répondis à ma mère qu’elle ne devait pas douter de ma soumission aveugle à ses volontés. Hélas ! la pauvre femme ne soupçonnait guère la nature des leçons que je devais recevoir de cette dame, qui jouissait en effet de la plus haute réputation.

Nous rejoignîmes, ma mère et moi, la compagnie. Un instant après je m’approchai de Mme C…, à qui je fis des excuses sur mon peu d’exactitude à lui rendre mes devoirs ; je la priai de me permettre de réparer cette faute ; j’essayai même d’entrer dans le détail des raisons qui me l’avaient fait commettre ; mais Mme C… m’interrompit sans me permettre d’achever. « Je sais, me dit-elle avec bonté, tout ce que vous voulez me dire : n’entrons pas en matière sur des sujets qui ne sont point de notre ressort ; chacun croit avoir ses raisons : peut-être sont-elles toutes bonnes ; ce qui est certain, c’est que je vous verrai toujours avec grand plaisir, et pour commencer à vous en convaincre, ajouta-t-elle en élevant la voix, je vous emmène ce soir pour souper avec moi. Vous le voulez bien ? dit-elle à ma mère. À condition que vous soyez de la partie avec M. l’abbé : vous avez l’un et l’autre vos affaires, nous vous y laisserons vaquer. Pour moi, je vais me promener avec Mlle Thérèse ; vous savez l’heure et le lieu du rendez-vous. »