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mandée par Sa Révérence et très exactement observée partout ce qui formait son troupeau.

Cependant, nous nous mîmes à table. Le dîner fut gai. Je me sentais beaucoup mieux que de coutume : ma langueur avait fait place à de la vivacité ; plus de maux de reins : je me trouvais tout autre. Contre l’ordinaire des repas de prêtres et de dévotes, on ne médit point de son prochain à celui-ci. L’abbé T…[1], qui a beaucoup d’esprit et encore plus d’acquis, nous fit mille petits contes, qui, sans intéresser la réputation de personne, portèrent la joie dans le cœur des convives.

Après avoir bu du Champagne et pris le café, ma mère me tira en particulier pour me faire de vifs reproches sur le peu d’attention que j’avais eu depuis quelque temps à cultiver l’amitié et les bonnes grâces de Mme C… « C’est une dame aimable, me dit-elle, à qui je dois le peu de considération dont je jouis dans cette ville ; sa vertu, son esprit, ses lumières la font estimer et respecter de toutes les personnes qui la connaissent ; nous avons besoin de son appui : je désire et je vous ordonne, ma fille, de contribuer

  1. L’abbé Terray peut-être, le héros des Lauriers ecclésiastiques, dont la lecture a délecté Thérèse ; elle l’avoue à la fin de son récit.