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me confia que ce fut un certain moine (qui a joué un grand rôle dans cette affaire) qui lui dessilla les yeux. Il était jeune, beau, bien fait, passionnément amoureux d’elle, ami de son père et de sa mère, chez qui ils mangeaient souvent ensemble. Il s’attira sa confiance ; il démasqua l’impudique Dirrag ; et je compris sensiblement, à travers tout ce qu’elle me dit, qu’elle se livra alors de bonne foi aux embrassements du luxurieux moine ; j’entrevis même que celui-ci n’avait pas démenti la réputation de son ordre, et, par une heureuse conformation comme par des leçons redoublées, il dédommagea amplement sa nouvelle prosélyte du sacrifice qu’elle lui fit des supercheries hebdomadaires de son vieux druide.

Dès qu’Éradice eut reconnu l’illusion du feint cordon de Dirrag par l’application aimable du membre naturel du moine, l’éloquence de cette démonstration lui fit sentir qu’elle avait été grossièrement dupée. Sa vanité se trouva blessée, et la vengeance la porta à tous les excès que vous avez connus, de concert avec le fier moine, qui, outre l’esprit de parti qui l’animait, était encore jaloux des faveurs que Dirrag avait surprises à son amante. Ses charmes étaient un bien qu’il croyait créé pour lui seul ; c’était un vol manifeste qu’il prétendait lui