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opéré nombre de miracles par les moyens d’un grand morceau du cordon de ce saint, qu’un Père de la société lui avait rapporté de Rome, et qu’il avait chassé, par la vertu de cette relique, le diable du corps de plusieurs démoniaques, en l’introduisant dans la bouche ou dans quelque autre conduit de la nature, suivant l’exigence des cas. Il lui montra enfin ce prétendu cordon, qui n’était autre chose qu’un assez gros morceau de corde, de 8 pouces de longueur, enduit d’un mastic qui le rendait dur et uni. Il était recouvert proprement d’un étui de velours cramoisi, qui lui servait de fourreau ; en un mot, c’était un de ces meubles de religieuse que l’on nomme godemiché. Sans doute que Dirrag tenait ce présent de quelque vieille abbesse, de qui il l’avait exigé. Quoi qu’il en soit, Éradice eut bien de la peine à obtenir la permission de baiser humblement cette relique, que le Père assurait ne pouvoir être touchée sans crime par des mains profanes.

Ce fut ainsi, mon cher comte, que le Père Dirrag conduisit par degrés sa nouvelle pénitente à souffrir, pendant plusieurs mois, ses impudiques embrassements, lorsqu’elle ne croyait jouir que d’un bonheur purement spirituel et céleste.

C’est d’elle que j’ai su toutes ces circonstances, quelque temps après le jugement de son procès. Elle