Page:Boyer d’Argens - Thérèse philosophe.djvu/54

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Éradice confia, deux jours après, à la vieille qu’elle avait une blessure sur chaque pied. « Quel bonheur ! quelle gloire pour vous ! s’écria celle-ci. Saint François vous a communiqué ses stigmates. Dieu veut faire de vous la plus grande sainte. Voyons si, comme votre grand patron, votre côté ne serait pas stigmatisé. » Elle porta de suite la main sous le téton gauche d’Éradice, où elle appliqua pareillement de son eau : le lendemain nouveau stigmate.

Éradice ne manqua pas de parler de ce miracle à son directeur, qui, craignant l’éclat, lui recommanda l’humilité et le secret. Ce fut inutilement ; la passion dominante de celle-ci étant la vanité de paraître sainte, sa joie perça ; elle fit des confidences ; ses stigmates firent du bruit, et toutes les pénitentes du Père voulurent être stigmatisées.

Dirrag sentit qu’il était nécessaire de soutenir sa réputation, mais en même temps de tâcher de faire une diversion qui empêchât les yeux du public de rester fixés sur la seule Éradice. Quelques autres pénitentes furent donc aussi stigmatisées par les mêmes moyens : tout réussit.

Éradice, cependant, se voua à saint François ; son directeur l’assura qu’il avait lui-même la plus grande confiance en son intercession ; il ajouta qu’il avait