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de ses entretiens particuliers avec le Père Dirrag, qu’il avait toujours éludé d’en avoir de semblables avec moi, dans la maison d’une de ses pénitentes, mon amie, qui était stigmatisée, ainsi qu’Éradice. Sans doute que ma triste figure et que mon teint jaunâtre n’avaient pas paru au révérend Père être pour lui un restaurant propre à exciter le goût nécessaire à ses travaux spirituels. J’étais piquée au jeu : point de stigmates, point d’entretien particulier pour moi ! Mon humeur perça, j’affectai paraître ne rien croire.

Éradice, d’un air ému, m’offrit de me rendre, dès le lendemain matin, témoin oculaire de son bonheur. « Vous verrez, me dit-elle avec feu, quelle est la force de mes exercices spirituels, par quels degrés de pénitence le bon Père me conduit à devenir une grande sainte, et vous ne douterez plus des extases, des ravissements qui sont une suite de ces mêmes exercices. Que mon exemple, ma chère Thérèse, ajouta-t-elle en se radoucissant, ne peut-il opérer dans vous, pour premier miracle, la force de détacher entièrement votre esprit de la matière par la grande vertu de la méditation, pour ne les mettre qu’en Dieu seul ! »

Je me rendis le lendemain, à cinq heures du matin, chez Éradice, comme nous en étions convenues. Je la trouvai en prière, un livre à la main. « Le