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résulte ce que nous appelons la volonté et la détermination. Mais cette volonté et cette détermination sont aussi parfaitement soumises aux degrés de passion ou de désir qui nous agitent qu’un poids de quatre livres détermine nécessairement le côté d’une balance qui n’a que deux livres à soulever dans son autre bassin.

Mais, me dira un raisonneur qui n’aperçoit que l’écorce, ne suis-je pas libre de boire à mon dîner une bouteille de bourgogne ou une de Champagne ? Ne suis-je pas le maître de choisir pour ma promenade la grande allée des Tuileries ou la terrasse des Feuillants ?

Je conviens que dans tous les cas où l’âme est dans une indifférence parfaite sur sa détermination, que dans les circonstances où les désirs de faire telle ou telle chose sont dans une balance égale, dans un juste équilibre, nous ne pouvons pas apercevoir ce défaut de liberté ; c’est un lointain dans lequel nous ne discernons plus les objets ; mais rapprochons-les un peu, ces objets, nous apercevons bientôt distinctement le mécanisme des actions de notre vie, et dès que nous en connaîtrons une, nous les connaîtrons toutes, puisque la Nature n’agit que par un même principe.

Notre raisonneur se met à table, on lui sert des