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dénouement de mon action. Il fut tel qu’il devait être : je m’agitai, je tressaillis, et le plaisir m’éveilla.

Ma mère, dans le premier mouvement, me gronda de la bonne sorte ; elle me demanda de qui j’avais appris les horreurs dont elle venait d’être témoin. Je lui répondis en pleurant que j’ignorais en quoi j’avais pu la fâcher ; que je ne savais ce qu’elle voulait me dire par les termes d’attouchements déshonnêtes, d’impudicité et de péché mortel, dont elle se servait. La naïveté de mes réponses la convainquit de mon innocence, et je me rendormis ; nouveaux chatouillements de ma part, nouvelles plaintes de celle de ma mère. Enfin, après quelques nuits d’observation attentive, on ne douta plus que ce ne fût la force de mon tempérament qui me faisait faire en dormant ce qui sert à soulager tant de pauvres religieuses en veillant. On prit le parti de me lier les mains, de manière qu’il me fut impossible de continuer mes amusements nocturnes.

Je recouvrai bientôt ma santé et ma première vigueur. L’habitude se perdit, mais le tempérament augmenta. À l’âge de neuf à dix ans, je sentais une inquiétude, des désirs dont je ne connaissais pas le but. Nous nous assemblions souvent, de jeunes filles et garçons de mon âge, dans un grenier ou dans