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drai, dis-je, que tout ce que j’ai écrit est fondé sur le raisonnement détaché de tout préjugé.

Oui, ignorants, la nature est une chimère. Tout est l’ouvrage de Dieu. C’est de lui que nous tenons l’envie de manger, de boire et de jouir de tous les plaisirs. Pourquoi donc rougir en remplissant ses desseins ? Pourquoi craindre de contribuer au bonheur des humains, en leur apprenant des ragoûts variés, propres à contenter avec sensualité ces divers appétits ? Pourrai-je appréhender de déplaire à Dieu ni aux hommes en annonçant des vérités qui ne peuvent qu’éclairer sans nuire ? Je vous le répète donc, censeurs atrabilaires, nous ne pensons pas comme nous voulons. L’âme n’a de volonté, n’est déterminée que par les sensations, que par la matière. La raison nous éclaire ; mais elle ne nous détermine point. L’amour-propre, le plaisir à espérer, ou le déplaisir à éviter, sont le mobile de toutes nos déterminations. Le bonheur dépend de la conformation des organes, de l’éducation, des sensations externes, et les lois humaines sont telles que l’homme ne peut être heureux qu’en les observant, qu’en vivant en honnête homme. Il y a un Dieu ; nous devons l’aimer, parce que c’est un être souverainement bon et parfait. L’homme sensé, le philosophe doit contribuer au bonheur public par la