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je n’y résiste plus ! Parais, comte, je ne crains plus ton dard : tu peux percer ton amante ; tu peux même choisir où tu voudras frapper : tout m’est égal ; je souffrirai tes coups avec constance, sans murmurer ; et pour assurer ton triomphe, tiens, voilà mon doigt placé ! »

Quelle surprise ! quel heureux moment ! Vous parûtes tout à coup plus fier, plus brillant que Mars ne l’était dans le tableau. Une légère robe de chambre qui vous couvrait fut arrachée. « J’ai eu trop de délicatesse, me dites-vous, pour profiter du premier avantage que tu m’as donné : j’étais à la porte, d’où j’ai tout vu, tout entendu ; mais je n’ai pas voulu devoir mon bonheur au gain d’une gageure ingénieuse. Je ne parais, mon aimable Thérèse, que parce tu m’as appelé. Es-tu déterminée ? — Oui, cher amant ! m’écriai-je, je suis toute à toi ! frappe-moi, je ne crains plus tes coups. »

À l’instant, vous tombâtes entre mes bras ; je saisis, sans hésiter, la flèche qui jusques alors m’avait paru si redoutable, et je la plaçai moi-même à l’embouchure qu’elle menaçait ; vous l’enfonçâtes, sans que vos coups redoublés m’arrachassent le moindre cri : mon attention, fixée sur l’idée du plaisir, ne me laissa pas apercevoir le sentiment de la douleur.