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la main à cette partie qui, en bonne justice, devrait bien être aujourd’hui de mon domaine, et que vous fassiez sincèrement divorce au manuélisme. Point de quartier, ajoutâtes-vous ; il est juste que chacun mette un peu de complaisance dans le commerce. J’ai de bonnes raisons pour exiger celle-ci de vous : optez ; sans cet arrangement, point de livres, point de tableaux. »

J’hésitai peu, je fis vœu de continence pour quinze jours. « Ce n’est pas tout, me dîtes-vous encore : imposons-nous des conditions réciproques : il n’est pas équitable que vous fassiez un pareil sacrifice pour la vue de ces tableaux ou pour une lecture momentanée. Faisons une gageure, que vous gagnerez sans doute. Je parie ma bibliothèque et mes tableaux, contre votre pucelage, que vous n’observerez pas la continence pendant quinze jours, ainsi que vous le promettez. — En vérité, monsieur, vous répondis-je d’un air un peu piqué, vous avez une idée bien singulière de mon tempérament, et vous me croyez bien peu maîtresse de moi-même ! — Oh ! mademoiselle, répliquâtes-vous, point de procès, je vous prie : je n’y suis pas heureux avec vous. Je sens, au reste, que vous ne devinez point l’objet de ma proposition : écoutez-moi. N’est-il pas vrai que toutes les fois que je vous fais un présent, votre amour-propre paraît