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l’âme, altèrent l’esprit ; qu’un vaisseau, une fibre dérangée dans le cerveau, peuvent rendre imbécile l’homme du monde qui a le plus d’intelligence. Nous savons que la nature n’agit que par un principe uniforme ; or, puisqu’il est évident que nous ne sommes pas libres dans de certaines actions, nous ne le sommes dans aucune. Ajoutons à cela que si les âmes étaient purement spirituelles, elles seraient toutes les mêmes, si elles avaient la faculté dépenser et de vouloir par elles-mêmes, elles penseraient et se détermineraient toutes de la même manière dans des cas égaux ; or c’est ce qui n’arrive point ; donc elles sont déterminées par quelque autre chose, et ce quelque autre chose ne peut être que la matière, puisque les plus crédules ne connaissent que l’esprit et la matière.

Mais demandons à ces hommes crédules ce que c’est que l’esprit. Peut-il exister et n’être dans aucun lieu ? S’il est dans un lieu, il doit occuper une place ; s’il occupe une place, il est étendu ; s’il est étendu, il a des parties, et s’il a des parties, il est matière. Donc l’esprit est une chimère, ou il fait partie de la matière.

De ce raisonnement, disiez-vous, ou peut conclure avec certitude, premièrement que nous ne pensons de telle ou de telle manière que par rapport à l’orga-