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souvent l’aumône aux pauvres, il s’incommode même pour les soulager : son action est utile au bien de la société ; elle est louable à cet égard ; mais, par rapport à lui, rien moins que cela. Il a fait l’aumône, parce que la compassion qu’il ressentait pour ces malheureux excitait en lui une peine, et qu’il a trouvé moins de désagrément à se défaire de son argent en leur faveur qu’à continuer de supporter cette peine excitée par la compassion ; ou peut-être encore que l’amour-propre, flatté par la vanité de passer pour un homme charitable, est la véritable satisfaction intérieure qui l’a décidé. Toutes les actions de notre vie sont dirigées par ces deux principes : « se procurer plus ou moins de plaisir, éviter plus ou moins de peine ».

D’autres fois, vous m’expliquiez, vous étendiez les courtes leçons que j’avais reçues de l’abbé T… Il vous a appris, me disiez-vous, que nous ne sommes pas plus maîtres de penser de telle ou telle manière, d’avoir telle ou telle volonté, que nous ne sommes les maîtres d’avoir ou de ne pas avoir la fièvre. En effet, ajoutiez-vous, nous voyons, par des observations claires et simples, que l’âme n’est maîtresse de rien, qu’elle n’agit qu’en conséquence des sensations et des facultés du corps ; que les causes qui peuvent produire du dérangement dans les organes troublent