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monstrueuse, puisse être reçu dans un espace où je puis à peine introduire le doigt ? D’ailleurs, si je deviens mère, je le sens, j’en mourrai. Ah ! mon cher ami, continuai-je, évitons cet écueil fatal ; laissez-moi faire. Je caressais, je baisais ce que vous nommez votre docteur ; je lui donnais des mouvements qui, en vous dérobant comme malgré vous cette liqueur divine, vous conduisaient à la volupté et rétablissaient le calme dans votre âme.

Je remarquais que, dès que l’aiguillon de la chair était émoussé, sous prétexte du goût que j’avais pour les matières de morale et de métaphysique, vous employiez la force du raisonnement pour déterminer ma volonté à ce que vous désiriez de moi.

C’est l’amour-propre, me disiez-vous un jour, qui décide de toutes les actions de notre vie. J’entends par amour-propre cette satisfaction intérieure que nous sentons à faire telle ou telle chose. Je vous aime, par exemple, parce que j’ai du plaisir à vous aimer. Ce que j’ai fait pour vous peut vous convenir, vous être utile ; mais ne m’en ayez aucune obligation. C’est l’amour-propre qui m’y a déterminé : c’est parce que j’ai fixé mon bonheur à contribuer au vôtre ; et c’est par ce même motif que vous ne me rendrez parfaitement heureux que lorsque votre amour-propre y trouvera sa satisfaction particulière. Un homme donne