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considérés non seulement eu égard à soi-même, mais encore eu égard à l’intérêt public. Il est constant que, comme l’homme, par la multiplicité de ses besoins, ne peut être heureux sans le concours d’une infinité d’autres personnes, chacun doit être attentif à ne rien faire qui blesse la félicité de son voisin. Celui qui s’écarte de ce système fuit le bonheur qu’il cherche. D’où l’on peut conclure avec certitude que le premier principe que chacun doit suivre pour vivre heureux dans ce monde est d’être honnête homme et d’observer les lois humaines, qui sont comme les liens des besoins mutuels de la société. — Il est évident, dis-je, que ceux ou celles qui s’éloignent de ce principe ne peuvent être heureux ; ils sont persécutés par la rigueur des lois, par les remords, par la haine et par le mépris de leurs concitoyens.

« — Réfléchissez donc, mademoiselle, continuâtes-vous, à tout ce que je viens d’avoir l’honneur de vous dire : consultez, voyez si vous pouvez être heureuse en me rendant heureux. Je vous quitte ; demain je viendrai recevoir votre réponse. »

Votre discours m’avait ébranlée. Je sentis un plaisir inexprimable à imaginer que je pouvais contribuer à celui d’un homme qui pensait comme vous. J’aperçus en même temps le labyrinthe dont j’étais menacée