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sur mes principes de morale ; vous parûtes curieux de les approfondir, et ensuite charmé de les connaître à fond. La conformité de vos sentiments aux miens réveilla mon attention. Je vous écoutais, je vous voyais avec un plaisir qui m’était inconnu jusqu’alors. La vivacité de ce plaisir m’anima, me donna de l’esprit, développa en moi des sentiments que je n’y avais pas encore aperçus.

Tel est l’effet de la sympathie des cœurs : il semble que l’on pense par l’organe de celui avec qui elle agit. Dans le même instant que je disais à la Bois-Laurier qu’elle devait vous engager à venir souper avec nous, vous faisiez la même proposition à votre ami. Tout s’arrangea ; l’Opéra fini, nous montâmes tous quatre dans votre carrosse pour nous rendre dans votre petit hôtel garni, où, après un quadrille dont nous payâmes amplement les frais par les fautes de distraction que nous fîmes, on se mit à table, et on soupa. Enfin, si je vous vis sortir avec regret, je me sentis agréablement consolée par la permission que vous exigeâtes de venir me voir quelquefois, d’un ton qui me convainquit du dessein où vous étiez de n’y pas manquer.

Lorsque vous fûtes sorti, la curieuse Bois-Laurier me questionna et tâcha insensiblement de démêler la nature de la conversation particulière que nous