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réciproques. Les hommes qu’elle voyait étaient tous gens sensés. On jouait à de petits jeux de commerce, ensuite on soupait chez elle presque tous les soirs. Le seul B…, ce prétendu oncle financier, était admis à l’entretenir en particulier.

J’ai dit que deux messieurs nous avaient été annoncés ; ils entrèrent ; nous fîmes un quadrille, nous soupâmes gaîment. La Bois-Laurier, qui était d’une humeur charmante, et qui peut-être était bien aise de ne pas me laisser seule livrée aux réflexions de mon aventure du matin, m’entraîna dans son lit. Il fallut coucher avec elle ; on hurle avec les loups : nous dîmes et nous fîmes toutes sortes de folies.

Ce fut, mon cher comte, le lendemain de cette nuit libertine que je vous parlai pour la première fois. Jour fortuné ! sans vous, sans vos conseils, sans la tendre amitié et l’heureuse sympathie qui nous lia d’abord, je courais insensiblement à ma perte. C’était un vendredi : vous étiez, il m’en souvient, dans l’amphithéâtre de l’Opéra, presque au-dessous d’une loge où nous étions placées, la Bois-Laurier et moi.

Si nos yeux se rencontrèrent par hasard, ils se fixèrent par réflexion. Un de vos amis, qui devait être le même soir l’un de nos convives, nous joignit ; vous l’abordâtes peu de temps après. On me plaisantait