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ni prières, ni menaces ne purent me tirer, jusqu’à ce que mon homme au camouflet eût vidé la maison.

Ici, Mme Bois-Laurier fut obligée de cesser sa narration par les ris immodérés qu’excita en moi cette dernière aventure. Par compagnie, elle riait aussi de tout son cœur : et je pense que nous n’eussions pas fini si tôt, sans l’arrivée de deux messieurs de sa connaissance que l’on vint nous annoncer. Elle n’eut que le temps de me dire que cette interruption la fâchait beaucoup, en ce qu’elle ne m’avait encore montré que le mauvais côté de son histoire, qui ne pouvait que me donner une fort mauvaise opinion d’elle, mais qu’elle espérait bientôt me faire connaître le bon et m’apprendre avec quel empressement elle avait saisi la première occasion qui s’était présentée de se retirer du train de vie abominable dans lequel la Lefort l’avait engagée.

Je dois, en effet, rendre justice à la Bois-Laurier ; si j’en excepte mon aventure avec M. R…, dont elle n’a jamais voulu convenir d’avoir été de moitié, sa conduite n’a rien eu d’irrégulier pendant le temps que je l’ai connue. Cinq ou six amis formaient sa société : elle ne voyait de femme que moi, et les haïssait. Nos conversations étaient décentes devant le monde : rien de si libertin que celles que nous tenions dans le particulier depuis nos confidences