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J’étais avertie qu’il devait venir me voir ; et quoique je sois naturellement une terrible péteuse, j’eus encore la précaution de me farcir l’estomac d’une forte quantité de navets, afin d’être mieux en état de le recevoir suivant mon projet. C’était un animal que je ne souffrais que par complaisance pour ma mère. Chaque fois qu’il venait au logis, il s’occupait pendant deux heures à examiner mes fesses, à les ouvrir, à les refermer, à porter le doigt au trou, où il eût volontiers tenté de mettre autre chose, si je ne m’étais pas expliquée nettement sur l’article ; en un mot, je le détestais. Il arrive à neuf heures du soir ; m’ayant fait coucher à plat ventre sur le bord du lit, puis, après avoir exactement levé mes jupes et ma chemise, il va, selon sa louable coutume, s’armer d’une bougie, dans le dessein de venir examiner l’objet de son culte. C’est où je l’attendais. Il mit un genou à terre et, approchant la lumière et son nez, je lui lâchai, à brûle-pourpoint, un vent moelleux que je retenais avec peine depuis deux heures ; le prisonnier, en s’échappant, fit un bruit enragé et éteignit la bougie. Le curieux se jeta en arrière, en faisant, sans doute, une grimace de tous les diables. La bougie tombée de ses mains fut rallumée ; je profitai du désordre et me sauvai, en éclatant de rire, dans une chambre voisine, où je m’enfermai, et de laquelle