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même jour avec trois capucins : elle te donnera une idée de l’exactitude de ces bons Pères à observer leur vœu de chasteté.

Après être sortie de chez le courtisan dont je viens de te parler et avoir dit adieu à ma compagne, comme je tournais le premier coin de rue pour monter dans un fiacre qui m’attendait, je rencontrai la Dupuis, amie de ma mère, digne émule de son commerce, mais qui en exerçait les travaux dans un monde moins bruyant.

« Ah ! ma chère Manon, me dit-elle en m’abordant, que je suis ravie de te rencontrer ! Tu sais que c’est moi qui ai l’honneur de servir presque tous nos moines de Paris. Je crois que ces chiens-là se sont donné le mot aujourd’hui pour me faire enrager ; ils sont tous en rut. J’ai depuis ce matin neuf filles en campagne pour eux en diverses chambres et quartiers de Paris, et je cours, depuis quatre heures, sans en pouvoir trouver une dixième pour trois vénérables capucins qui m’attendent encore dans un fiacre bien fermé sur le chemin de ma petite maison. Il faut, Manon, que tu me fasses le plaisir d’y venir, ce sont de bons diables, ils t’amuseront. » J’eus beau dire à la Dupuis qu’elle savait bien que je n’étais pas un gibier de moines, que ces messieurs ne se contentaient pas des plaisirs de fantaisie, de ceux