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rerait sur le produit de mes premiers travaux journaliers, et qu’ensuite nous partagerions, consciencieusement, les profits de la société.

La Lefort avait un fonds inépuisable de bonnes connaissances dans Paris. En moins de six semaines, je fus présentée à plus de vingt de ses amis, qui échouèrent successivement au projet de recueillir les prémices de ma virginité. Heureusement que par le bon ordre que Mme Lefort tenait dans la conduite de ses affaires elle avait exactement soin de se faire payer d’avance les plaisirs d’un travail qui était impraticable. Je crus même un jour qu’un gros docteur de Sorbonne, qui s’obstinait à vouloir gagner les dix louis qu’il avait financés, y mourrait à la peine ou qu’il me désenchanterait.

Ces vingt athlètes furent suivis de plus de cinq cents autres, pendant l’espace de cinq ans. Le Clergé, l’Épée, la Robe et la Finance me placèrent tour à tour dans les attitudes les plus recherchées : soins inutiles ! Le sacrifice se faisait à la porte du temple, ou bien la pointe du couteau s’émoussait : la victime ne pouvait être immolée.

Enfin la solidité de mon pucelage fit trop de bruit et parvint aux oreilles de la police, qui parut vouloir faire cesser les progrès des épreuves. J’en fus avertie à temps ; et nous jugeâmes, Mme Lefort et moi,