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ciée aux devoirs d’un métier que j’exerce avec quelque distinction depuis vingt ans. Écoute donc attentivement ce que j’ai encore à te dire, et par ta docilité à suivre mes conseils, mets-toi en état de réparer le tort que te fait le président. C’est par ses ordres, continua ma mère, que je t’ai élevée il y a huit ans. Il m’a payée, depuis ce temps, une pension très modique, que j’ai bien employée, et au delà, pour ton éducation. Il m’avait promis qu’il nous donnerait à chacune cent louis, lorsque ton âge lui permettrait de prendre ton pucelage ; mais si ce vieux paillard a compté sur son hôte, si son vieil outil rouillé, ridé et usé le met hors d’état de tenter cette aventure, est-ce notre faute ? Cependant, il ne m’a donné que les cent louis qui me regardent ; mais ne t’inquiète pas, ma chère Manon, je t’en ferai gagner bien d’autres. Tu es jeune, jolie, point connue ; je vais, pour te faire plaisir, employer cette somme à te bien nipper ; et si tu veux te laisser conduire, je te ferai faire, à toi seule, le profit que faisaient ci-devant dix ou douze demoiselles de mes amies. »

Après mille autres propos de cette espèce, à travers lesquels j’aperçus que ma bonne maman débutait par s’approprier les cent louis donnés par le président, les conditions de notre traité furent qu’elle commencerait par m’avancer cet argent, qu’elle reti-