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J’eus recours aux larmes. Point de quartier : il fallut me décider. Après quelques explications préliminaires, je promis de faire tout ce qu’on exigeait, au moyen de quoi Mme Lefort m’assura qu’elle me conserverait toujours les soins et le doux nom de mère.

Le lendemain matin, elle m’instruisit amplement des devoirs de l’état que j’allais embrasser et des procédés particuliers qu’il convenait que j’eusse avec M. le président. Ensuite, elle me fit mettre toute nue, me lava le corps du haut en bas, me frisa, me coiffa et me revêtit d’habits beaucoup plus propres que ceux que j’avais coutume de porter.

À quatre heures après midi, nous fûmes introduites chez M. le président. C’était un homme grand, sec, dont le visage jaune et ridé était enfoui dans une très longue et très ample perruque carrée. Ce respectable personnage, après nous avoir fait asseoir, dit gravement, en adressant la parole à ma mère :

« Voilà donc la petite personne en question ? Elle est assez bien : je vous avais toujours dit qu’elle avait des dispositions à devenir jolie et bien faite ; et jusqu’à présent ce n’est pas de l’argent mal employé ; mais vous êtes sûre au moins qu’elle a son pucelage ? ajouta-t-il. Voyons un peu, madame Lefort. » Aussitôt ma bonne mère me fit asseoir sur le bord d’un lit et, me couchant renversée sur le dos, elle