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lité se changea sur-le-champ en fureur ; je saisis le redoutable R… à la cravate, et, le bras tendu, je le tins dans une posture qui le mit hors d’état de prendre celle qu’il s’efforçait de gagner. Alors, tenant la vue fixée, de peur de surprise, sur la tête de l’ennemi dont je craignais l’enfilure, j’appelai de toutes mes forces à mon secours Mme Bois-Laurier, qui, de moitié ou non dans les projets de R…, ne put se dispenser d’accourir et de blâmer son procédé.

Furieuse de l’affront que je venais de recevoir de la part de R…, j’étais au moment de lui arracher les yeux ; je lui reprochais sa témérité dans les termes les plus vifs. M. B… avait joint la Bois-Laurier ; tous deux ensemble ne retenaient qu’avec peine les efforts que je faisais pour leur échapper et tomber sur R…, lorsque celui-ci, après avoir remis tranquillement le meuble critique dans son gîte, rompit tout à coup le silence par un éclat de rire désordonné.

« Parbleu ! la petite provinciale, dit-il en affectant le mauvais plaisant, convenez que je vous ai fait grande peur : vous avez donc cru sérieusement que je voulais ?… Oh ! la singulière chose qu’une fille de province, qui n’a pas le soupçon des usages du beau monde ! Imagine-toi, mon cher B…, continua-t-il, que j’ai couché mademoiselle sur le lit, j’ai levé ses