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quai-je, et si… » — « Non, non, reprit-il, ne vous embarrassez de rien : j’arrangerai tout cela de façon que vous serez contente. »

On annonça qu’on avait servi ; on se mit à table La Bois-Laurier, qui connaissait le jargon, les propos usités dans ces sortes de repas, y lut charmante. Elle eut beau m’agacer, j’étais totalement déplacée, je ne disais mot, ou si je parlais, c’était dans des termes qui parurent si maussades aux deux financiers que la première vivacité de M. R… se perdit : il me regardait avec de grands yeux qui annonçaient l’idée qu’il concevait de mon esprit : on ne paraît ordinairement en avoir qu’avec les personnes qui pensent et agissent comme nous. Cependant quelques verres de vin de Champagne réparèrent bientôt dans l’imagination de R… les torts que la stérilité de ma conversation y avait faits. Il devint plus pressant, et moi plus docile. Son air d’aisance m’en imposa ; ses mains larronnesses voltigeaient un peu partout ; et la crainte de manquer à des égards que je croyais d’usage m’empêchait d’oser lui en imposer sérieusement. Je me croyais d’autant plus autorisée à laisser aller les choses leur train que je voyais sur un sopha, à l’autre bout de la salle, M. B… parcourant encore un peu plus cavalièrement les appas de madame sa nièce. Enfin, je me défendis si mal des