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vous voulez me dire avec votre bidet. » — « Comment, dit-elle, point de bidet ? Garde-toi bien de te vanter jamais d’avoir manqué d’un meuble aussi nécessaire à une fille du bon air que sa propre chemise. Pour aujourd’hui, je veux bien te prêter le mien ; mais demain, sans plus tarder, songe à l’emplette d’un bidet. » Celui de la Bois-Laurier fut donc apporté ; elle me campa dessus, et, malgré tout ce que je pus dire et faire, cette femme officieuse, tout en riant comme une folle, lava elle-même abondamment ce qu’elle nommait mon minon. L’eau de lavande ne lui fut pas épargnée. Que je soupçonnais peu la fête qui lui était préparée, et le motif de cet exact lavabo !

Vers le midi, un honnête fiacre nous conduisit à la petite maison de M. B…, où il nous attendait avec M. R…, son confrère et ami. Celui-ci était un homme de trente-huit à quarante ans, d’une figure assez passable, richement habillé, affectant de montrer tour à tour ses bagues, ses tabatières, ses étuis, jouant l’homme d’importance. Il daigna néanmoins s’approcher de moi, et me prenant par les mains, en me considérant attentivement face à face : « Elle est, parbleu ! jolie ! s’écria-t-il ; d’honneur ! elle est charmante, et je veux en faire ma petite femme. » — « Oh ! monsieur, vous me faites bien de l’honneur, répli-