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de ma cuisse, sur laquelle il appuya brutalement sa main en serrant de toute sa force, au point de me faire pousser un cri.

« Ma nièce m’a parlé de vous, me dit-il sans faire attention à la douleur qu’il m’avait causée ; comment, diable ! vous avez des yeux, des dents, une cuisse dure ! Oh ! nous ferons quelque chose de vous. Dès demain, je vous fais dîner avec un de mes confrères qui a de l’or plein cette chambre ; je connais son humeur : il sera d’abord amoureux ; ménagez-le ; je vous réponds que c’est un bon vivant dont vous serez contente. Adieu, mes chers enfants, ajouta-t-il en se levant et boutonnant sa veste ; embrassez-moi toutes deux et me regardez connue votre père. Toi, ma nièce, envoie dire à ma petite maison qu’on nous y prépare à diner. »

Aussitôt que notre financier fut sorti. Mme Bois-Laurier me témoigna combien elle était charmée qu’il m’eût trouvée de son goût. « C’est un homme sans façon, me dit-elle, un cœur excellent et un ami essentiel. Laissez-moi faire : j’ai pris pour vous une sincère amitié ; suivez seulement mes conseils ; surtout, ne faisons pas la bégueule, et je vous réponds de votre fortune. »

Je soupai avec mon nouveau mentor, qui sonda