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d’amour-propre, est sotte ! Les leçons de M. l’abbé T… m’avaient bien dessillé les yeux sur le rôle que nous devons jouer ici-bas, eu égard à Dieu et aux lois des hommes ; mais je n’avais aucune connaissance de l’usage du monde.

Tout ce que je voyais, ce qu’on me disait me paraissait rempli de la probité que j’avais trouvée dans Mme C… et dans l’abbé T…, et je croyais le seul Dirrag un méchant homme. Pauvre innocente ! que je me trompais grossièrement !

Le financier B… arriva chez Mme Bois-Laurier vers les cinq heures du soir. On employa sans doute les premiers quarts d’heure de cette visite à tout autre chose qu’à s’entretenir de moi. La nièce était trop fine pour ne pas mettre l’oncle dans un état de tranquillité qui ne lui laissât rien à redouter de l’effet de mes charmes, qu’elle disait être dangereux. La besogne fut longue. Vers les sept heures, je fus présentée à M. B…, à qui je fis en entrant une profonde révérence sans qu’il daignât se lever. Il me fit asseoir, cependant, sur une chaise, à côté d’un fauteuil dans lequel il était à demi couché, poussant un gros ventre en avant qui n’était couvert que de sa chemise, et il me reçut avec l’air et les manières de la plupart des gens de son état ; tout m’en parut néanmoins admirable, jusqu’aux louanges qu’il donna à la fermeté