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« Que vous êtes peu sage, me dit-elle un matin, de vous inquiéter aussi vivement d’un avenir qui n’est pas plus certain pour les plus riches que pour les plus pauvres et qui doit vous paraître moins critique qu’à une autre ! Est-ce qu’avec du mérite, une taille, une mine comme celle que vous portez là une fille est jamais embarrassée, pour peu qu’elle y joigne de la prudence et de la conduite ? Non, mademoiselle, ne vous inquiétez point : je vous trouverai ce qu’il vous faut, peut-être même un bon mari ; car il me paraît que votre manie est de vouloir tâter du sacrement. Hélas ! ma pauvre enfant, vous ne connaissez guère la juste valeur de ce que vous désirez là ! Enfin, laissez-moi faire ; une femme de quarante ans, qui a l’expérience d’une de cinquante, sait ce qui convient à une fille comme vous. Je vous servirai de mère, ajouta-t-elle, et de chaperon pour paraître dans le monde ; dès aujourd’hui je vous présenterai à mon oncle B…, qui doit venir me voir : c’est un riche financier, un honnête homme, qui vous trouvera bientôt un bon parti. »

Je sautai au cou de Bois-Laurier, que je remerciai de tout mon cœur, et j’avoue de bonne foi que le ton d’assurance avec lequel elle me parlait me persuada que ma fortune était certaine.

Qu’une fille sans expérience, avec beaucoup