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bits, je me crus riche. Mon premier mouvement fut cependant de me jeter dans un monastère et de me faire religieuse ; mais les réflexions que je fis sur ce que j’avais souffert autrefois dans un pareil gîte, jointes aux conseils d’une dame, ma voisine, avec qui j’avais ébauché un commencement de connaissance, me détournèrent de ce fatal dessein.

Cette dame, qui se nommait Bois-Laurier, avait un appartement à côté de celui que j’occupais dans un hôtel garni. Elle eut la complaisance de ne me presque point quitter pendant le premier mois qui suivit la mort de ma mère, et je lui dois une reconnaissance éternelle des soins qu’elle me donna pour soulager les afflictions dont j’étais accablée. Mme Bois-Laurier était, comme vous l’avez su, une femme que la nécessité avait contrainte, pendant sa jeunesse, de servir au soulagement de l’inconduite du public libertin, et qui, à l’exemple de tant d’autres, jouait alors incognito le rôle d’honnête femme, à l’aide d’une rente viagère qu’elle s’était assurée de l’épargne de ses premiers travaux.

Cependant l’affliction qui me dévorait fit place aux réflexions. L’avenir me fit peur ; je m’en ouvris à mon amie ; je lui confiai l’état de mes finances et ce que j’envisageais d’affreux dans ma situation. Elle avait un esprit solide et affermi par l’expérience.