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mîmes le lendemain dans une chaise, qui nous voitura jusqu’à Lyon, d’où la diligence nous conduisit à Paris.

J’ai dit que ma mère s’était déterminée à faire ce voyage parce qu’il lui était dû une somme considérable par un marchand de sa connaissance, et que du paiement de cette somme dépendait toute notre fortune. D’autre part, ma mère était endettée, son commerce languissait. Avant de partir de Volnot, elle avait laissé toutes ses affaires entre les mains d’un avocat, son parent, qui acheva de les perdre. Ma mère apprit que tout était saisi chez elle ; le même jour, pour comble d’infortune, on vint lui annoncer que son débiteur de Paris, obéré et pressé trop vivement pour une multitude de créanciers, venait de faire une banqueroute frauduleuse et complète. On ne résiste pas à tant de chagrins à la fois : ma pauvre mère y succomba ; une fièvre maligne l’emporta en huit jours.

Me voilà donc au milieu de Paris, livrée à moi-même, sans parents, sans amis, jolie, à ce qu’on me disait, instruite à bien des égards, mais sans connaissance des usages du monde.

Ma mère, avant de mourir, m’avait remis une bourse, dans laquelle je trouvai quatre cents louis d’or ; étant d’ailleurs assez bien en linge et en ha-