Page:Boyer d’Argens - Thérèse philosophe.djvu/109

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

ces vingt, à peine en trouverez-vous quatre qui pensent, en effet, par elles-mêmes ou qui ne soient pas emportées par quelque passion dominante. De là, il faut être extrêmement circonspect sur le genre de vérités que nous avons examinées aujourd’hui.

« Comme peu de personnes aperçoivent la nécessité qu’il y a de s’occuper du bonheur de ses voisins pour s’assurer de celui que l’on cherche soi-même, on doit donner à peu de personnes des preuves claires de l’insuffisance des religions, qui ne laissent pas de faire agir et de retenir un grand nombre d’hommes dans leurs devoirs et dans l’observation de règles qui, dans le fond, ne sont utiles qu’au bien de la société, sous le voile de la religion, par la crainte des peines et l’espérance des récompenses éternelles qu’elle leur annonce. Ce sont cette crainte et cette espérance qui guident les faibles : le nombre en est grand. Ce sont l’honneur, les lois humaines, l’intérêt public qui guident les gens qui pensent : le nombre en est, en vérité, bien petit. »

Dès que M. l’abbé T…eut cessé de parler, Mme C… le remercia dans des termes qui marquaient toute sa satisfaction. « Tu es adorable, mon cher ami, lui dit-elle en lui sautant au cou. Que je me trouve heureuse de connaître, d’aimer un homme qui pense aussi sainement que toi ! Sois assuré que je n’abuserai